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« Qu’attendre de la nouvelle présidence de la BCE ? »
information fournie par Le Cercle des économistes 23/12/2019 à 11:43

Jean-Paul Pollin
Jean-Paul Pollin

Jean-Paul Pollin

Université d'Orléans

Professeur

http://www.univ-orleans.fr/fr

La première conférence de presse de la nouvelle présidente de la BCE, le 12 décembre 2019, a naturellement suscité de la curiosité. L'arrivée de Mario Draghi, fin 2011, à la tête de la Banque centrale européenne, avait marqué un tournant important et salutaire de la politique monétaire européenne. Jean-Paul Pollin dresse les perspectives après la prise de fonction de Christine Lagarde

« Qu’attendre de la nouvelle présidence de la BCE ? » (Crédits photo : Flickr - Luminale )

« Qu’attendre de la nouvelle présidence de la BCE ? » (Crédits photo : Flickr - Luminale )

Le compte rendu de la réunion des Gouverneurs, précédant la conférence, n'a guère pu répondre à la curiosité ambiante. Car les décisions qui y ont été prises n'ont fait que confirmer les mesures actées lors de la réunion de septembre (sur les taux et la reprise du Quantitative Easing). Ceci n'a rien eu de surprenant puisque les perspectives conjoncturelles ont été peu modifiées dans l'intervalle : les craintes de récession (surtout en Allemagne) se sont dissipées, mais la croissance de la zone reste faible, et l'inflation est toujours éloignée de l'objectif des 2%. Ce qui justifie le maintien d'une politique très accommodante.

La revue stratégique qui sera menée par la Banque centrale européenne durant l'année 2020, et dont Madame Lagarde a esquissé les méthodes et les contours, devrait permettre d'en savoir plus sur les infléchissements que devrait connaître la politique monétaire dans les années à venir. Lors de cet exercice, la BCE sera en effet amenée à s'interroger sur ses objectifs, son cadre opérationnel et ses rapports avec les autres composantes des politiques macroéconomiques.

Pour ce qui est des objectifs, la définition de la cible d'inflation ne devrait pas connaître de modification sensible : la réduire (sous les 2%) serait un aveu de faiblesse, l'augmenter reviendrait à accentuer l'effort nécessaire pour l'atteindre, la faire varier au gré de la conjoncture ferait perdre en crédibilité.

L'objectif de stabilité financière que les banques centrales ont redécouvert, et qu'elles ont dû prendre en charge (parfois avec réticence) durant la crise, pose plus de questions. Car les politiques monétaires n'ont pas récupéré la maitrise du ou des instruments leur permettant de mener à bien cette nouvelle mission, à côté de leur fonction de régulation macroéconomique. Dans la zone euro, les politiques macroprudentielles sont exercées au niveau national et les autorités monétaires en partagent la responsabilité avec les gouvernements, ce qui peut remettre en cause leur indépendance. La coordination entre politiques monétaire et budgétaire, qui serait hautement souhaitable dans le contexte actuel, s'expose à des difficultés du même ordre.

Du point de vue de l'orthodoxie monétariste, qui a inspiré l'élaboration du mandat et du statut de la BCE, ces interrogations sur les objectifs, et ces possibles atteintes à l'indépendance de la Banque, sont certainement inopportunes. Elles sont surtout de nature à aviver les tensions qui sont apparues depuis quelque temps au sein du Conseil des Gouverneurs. Pourtant, Christine Lagarde a pris le risque d'ajouter à ces dissensions en suggérant, durant sa conférence de presse, que la BCE pourrait prendre en compte, dans la définition de sa politique, les enjeux climatiques et la question des inégalités. Si cela devait être, on s'éloignerait franchement des missions traditionnelles des banques centrales pour venir aux limites des politiques dites structurelles que les autorités monétaires se sont toujours gardées de franchir.

Cette volonté de transgression est intéressante, même si elle prête à discussion : les régulations microprudentielles sont peut-être plus adaptées à la prise en compte des problèmes environnementaux que les politiques monétaires, et l'effet redistributif de celles-ci est une question encore peu explorée. Mais, en toute hypothèse, ces idées seront loin de faire l'unanimité au sein du Conseil des Gouverneurs. Jens Weidmann, président de la Bundesbank et représentant fidèle du dogmatisme monétariste, a déjà manifesté son hostilité au « verdissement » de la politique monétaire (ou du moins du QE).

Madame Lagarde a déclaré vouloir agir pour une gouvernance apaisée de la BCE. Fort heureusement on lui reconnait un grand talent de négociatrice. Elle en aura bien besoin.

Jean-Paul Pollin
Membre du Cercle des économistes
Professeur à l'Université d'Orléans

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